Suzanne tire la manche de Léonard Cohen, et tire son premier EP du prénom de Berthe, l’estimée aïeule, que tout le monde appelait Maryse. La fleur à la mémoire, et pas qu’au fusil donc, Maëlle Desbrosses, Hélène Duret, et Pierre Tereygeol composent Suzanne et s’orchestrent gaiement pour se jouer des patronymes et des figures qui vaquent derrière les miroirs.
Il y a des reflets dans les perles, et des perles dans les coffres, alors ensemble ils déménagent, conjuguent cordes, clés, crins, bouts, souffles, et jeunes ficelles pour se dépoussiérer du chambrisme. Au fil d’une approche acoustique, les voix s’échappent et nous transportent dans un univers de folksongs au plus près de soi-même. L’écriture y déroule des séquences où on navigue entre courants impressionnistes et foins d’été pour beatniks en quête de baume du tigre. On se laisse alors guider par cette main qui nous emporte le long des berges d’une rivière imaginaire, au gré des fredonnements et des remembrances. Et s’il y avait du Jodel, on crierait au frelon tyrolien, mais ça n’a rien à voir, les espaces d’improvisation touchant plutôt à l’élégie qu’aux canons syllabiques.
Ce trio assume une instrumentation singulière et procède sans trucages, par touches, mouvements fugitifs, à la manière d’un Paul Klee usant d’une ironie toute romantique. Le ressort ludique n’est convié ici que pour bousculer les prérequis, et faire vriller les trajectoires. « - Léonard, tu dors mon chéri ? »
Texte : Robin Mercier