La région parisienne, aussi grande et puissante soit-elle, conserve-t-elle un peu de ce qu’on peut communément appeler « une scène locale » ? Tour d’horizon avec Xavier Lemettre, directeur du festival Banlieues Bleues et de la Dynamo à Pantin, en Seine-Saint-Denis.
La question lui ferait presque des nœuds au cerveau. C’est quoi la définition d’une scène locale, au juste ? « Ce qui est local, c’est ce qui est dans un certain rayon. Moi je raisonne plutôt ‘Île-de-France’ que ‘scène locale de Pantin’. Ici, le côté local est quand même assez large, c’est le bassin de population le plus important en France », embraye Xavier Lemettre, au téléphone. Une majorité de la nouvelle scène jazz et des musicien·ne·s émergent·e·s est installée ici, plus précisément dans ce quart nord-est où les loyers sont plus modérés qu’autre part en Île-de-France. C’est aussi ici qu’est implantée depuis 2006 la Dynamo, équipement culturel piloté par l’association Banlieues Bleues, en plein cœur du quartier des Quatre-Chemins, à Pantin. Pas étonnant donc d’y croiser ces nouvelles formations en résidence, en train de fabriquer, expérimenter et créer leurs projets artistiques. Proximité géographique d’abord et effet d’aspiration ensuite, avec le festival Banlieues Bleues qui rayonne au régional, au national et à l’international. « Du coup, logiquement, le local peut trouver des débouchés aux niveaux national et international », poursuit le directeur. « Mais parfois, ce n’est pas en local que les choses ont commencé. Je me souviens d’Eve Risser quand elle était encore en résidence et une artiste émergente, il y a environ 8-10 ans, elle a monté son gros projet, le White Desert Orchestra, et elle a commencé à avoir vraiment une reconnaissance d’abord en Europe, dans d’autres festivals, mais pas ici. » Rien de mathématique, donc, mais quelques leviers qui peuvent ouvrir des portes et des boutons « push push » non négligeables lorsqu’on se frotte aux différent·e·s acteur·rice·s et outils d’un territoire géographique. Attention cependant à ne pas trop enfermer ce concept de territoire, selon Xavier Lemettre. « Encore une fois, l’Île-de-France est à part : c’est ici qu’il y a le plus d’équipes et les aides publiques sont orientées d’abord ici ». Loyers presque abordables, soutiens à la création, lieux de diffusion en cascade…
On pourrait presque croire que la scène francilienne est une cible prioritaire pour les musicien·ne·s émergent·e·s français·e·s, mais la réalité est plus complexe. Certes, la mobilité s’est accélérée et facilitée depuis 30 ans, on peut donc venir à Paris très facilement, mais aussi en partir. « En région parisienne, il y a plus d’opportunités pour jouer, mais il y a aussi une très forte concurrence. Des musiciens ont choisi de se baser dans une autre région pour pouvoir s’épanouir peut-être plus vite. Tout ça, ça dépend vraiment de la nature du projet, certains ont besoin de certaines conditions pour jouer, d’autres peuvent jouer partout ». Alors, la région parisienne, une scène où les musiciens émergents peuvent s’épanouir et grandir ? Par principe oui. Avec plus de facilité qu’ailleurs ? Rien n’est moins sûr.