Une fois la connexion établie, comment ça bosse un combo international ? La barrière de la langue, facilement franchissable ? enfin surtout pour les musicien.ne.s étrangers.ères. Pour tou.te.s, il faut bousculer sa façon habituelle de travailler, composer avec la nouveauté. Pour To Pianos, le duo associant Eve Risser à Kaja Draksler, des répétitions au conservatoire d’Amsterdam, lieu de résidence de l’époque pour la pianiste slovène, sont organisées. Puis des concerts dans toute l’Europe, comme au Jazz Festival de Pratos en Italie (février 2018), au Enjoy Jazz Festival en Allemagne (octobre 2018) et au Galway Jazz Festival en Irlande (octobre 2019). Cette collaboration entre deux musiciennes de différentes nationalités favorise aussi la couverture d’un réseau plus grand et un décentrage du pays d’origine, les programmateurs et les programmatrices contactaient les deux musiciennes pour booker les dates. Un simple texto permettait de fixer les rendez-vous pour répéter ou les futures dates de concerts. Du côté des rejetons descendues des pages d’Alice In Wonderland, on est sur une coopération active. Tweedle- Dee avance à quatre mains : « Il n’y avait pas vraiment de leadership mais plutôt des représentants pour chaque collectif et des positions occupées clairement, sans autoritarisme. Robin représentait Loop et je représentais Coax, et nous gérions ainsi l’orga du groupe. Coté artistique, nous avons également défini la direction en duo avec Robin en signant à deux la totalité des compositions. Donc, nous étions leader mais nous faisions appel à l’imagination des musiciens pour compléter la musique et son interprétation. Nous les avons appelé à s’approprier notre écriture avec une grande liberté. La musique est devenue celle de tous en partant de l’énergie de deux personnes ». Julien Desprez poursuit : « L’enjeu était de partager au maximum notre musique en public. Le réseau anglais s’ouvrait aux français et vice-versa. C’est tout le temps une tannée d’aller jouer en Angleterre, il y a très peu d’argent, les conditions d’accueil n’ont rien à voir avec la France car tout est beaucoup plus libéral. C’était donc un moyen pour nous, français, d’arriver à rencontrer des gens moteurs là-bas. Cela a très bien marché avec les musiciens mais beaucoup moins avec les programmateur.rice.s. Je crois que c’est pareil pour les anglais. Une fois l’aide Jazz Shuttle dépensée, il est devenu très compliqué de faire tourner un groupe de cette taille-là entre les deux pays ». La coopération atteint ici une de ses limites. Limite un peu floue, à en croire Théo Ceccaldi au sujet de ses commensaux venus d’outre-Rhin. « Nous étions à la fois très proches et à des années lumières sur certains points. Sur la manière de travailler notamment. Mais pourtant ça a toujours été très électrique sur scène et j’en garde des souvenirs dingues. Notamment cette première à Berlin, ou encore le concert au Bezau Beatz en Autriche. Ce sont quand même deux extra-terrestres avec une puissance de jeu phénoménale. C’est sûrement en partie car ils ont évolué sur la scène Berlinoise depuis leurs débuts qu’ils ont acquis ce langage, cette manière de travailler la musique et de la jouer, mais c’est surtout leurs personnalités musicales respectives qui nous intéressaient au plus haut point. » Le terroir ne semble donc n’engendrer que peu de crédit à une expression comme « il y a deux écoles ». L’enjeu n’est pas donc d’apprendre du terrain mais de s’éprouver soi-même à cette surface de jeu.