Ann O'aro © Béaxgraphie

Comment se faire un nom et une trajectoire
quand on vit sur une île à 9.000 kilomètres de Paris ?
Éléments de réponse avec une musicienne, chanteuse
et écrivaine originaire de La Réunion.

Comment as-tu débuté ton parcours ?

J’ai commencé à construire un répertoire à La Réunion, mais j’en suis sortie rapidement. Avec Philippe Conrath, nous avons eu des connexions qui nous ont amenés à faire une résidence au Comptoir, à Fontenay-sous-Bois, avec des musiciens parisiens. Le premier album est sorti. Très vite, je me suis posé la question de savoir comment le défendre en retournant vivre à la Réunion… C’est de là qu’est venue l’idée de faire un trio, ce qui me permettait de continuer à travailler sur l’île.

De quelles aides institutionnelles as-tu pu disposer ?

Le PRMA (Pôle Régionale des Musiques Actuelles de La Réunion) propose aux artistes qui ont une tournée hors de la Réunion de trois dates ou plus le dispositif FRAM (Fonds Régional d’Aide à la Mobilité, NDLR) qui prend en charge les billets d’avion aller-retour. Parfois, les festivals prennent en charge les frais liés au transport. Outre les billets, il y a également des aides de la Dac de la Réunion (ou Dac de l’Océan Indien, dit « O.I. », NDLR). Ça permet de nous salarier.

Arrives-tu à poursuivre ta carrière en restant à La Réunion ?

Ce que tout le monde nous souffle aux oreilles, c’est qu’il faudrait vivre sur le continent pour que ta carrière décolle. Or, dans le trio, nous sommes tous basés à la Réunion. Vivre et travailler ici nous permet de garder contact avec notre base de création et de rester connectés à l’essence de notre musique. Ça nous oblige à bien être organisés quand on monte une tournée à l’étranger. Quelques fois, on peut se permettre des allers-retours ici et là quand il y a des salles ou des festivals intéressants qui nous programment… Mais au moins, en restant, ici, nous sommes reliés à notre style de vie. Je ne crois pas à cette sorte de vérité universelle qui dit que c’est en partant que l’on va réussir.

Pierre-Olivier Bobo
Arthur Guillaumot
Guillaume Malvoisin

Plus d'articles de Jazz Mig Mag :

Diffusion à la Réunion, état des lieux

Les spécificités de la diffusion dans les espaces ultramarins avaient été interrogées en 2022 lors d’une table ronde « Outre-mer et international », reprise dans le Jazz Mig Mag #2. Pour compléter ces réflexions, et en lien avec la présence de Sėlēnę dans la selecta Jazz Migration #10, Jazz Mig Mag #5 a interrogé plusieurs professionnel·les de la Réunion invité·es aux Rencontres AJC pour cartographier l’écosystème d’une île aux enjeux de diffusion à la croisée de la France, de l’Europe et de l’océan Indien.

Lire la suite »

Jazz et transition : quelles nouvelles dynamiques collectives pour les acteur·rices du jazz ?

Le champ du jazz traverse de profondes mutations : déséquilibres entre production et diffusion, évolution du rapport au public, engagement bénévole en recul, sans oublier les enjeux sociétaux autour de l’égalité, de la diversité ou de l’écologie. Ce texte, issu d’une table ronde réunissant professionnel·les et institutionnel·les du secteur, propose de croiser les regards pour mieux comprendre ces transitions, identifier les défis à venir et imaginer de nouveaux équilibres pour le jazz et les musiques improvisées.

Lire la suite »

La musique à mille branches

Puisqu’il s’agirait ces-jours-ci de la survie du « monde de la culture », qui est une industrie aussi, et une industrie mal en point comme presque toutes les autres, puisqu’il s’agirait des moyens à déployer pour continuer à inventer avec ivresse, avec allégresse… pourrait-on imaginer de se plonger dans « une longue marche », comme si la route sous nos pas devenait une rivière, comme sur le disque enregistré par Archie Shepp et Max Roach, un soir d’été au Willisau Jazz Festival, en 1979, et intitulé « The Long March », en référence aux révolutionnaires chinois d’un autre temps ?

Lire la suite »