Aux côtés des structures, des acteur.rice.s locaux.les prennent en charge la création d’évènements ou de lieux permettant de diffuser la scène locale jazzistique. Thomas Boutant, organisateur du festival martiniquais Big In Jazz (ex-Biguine Jazz), échafaude un espace de diffusion et de visibilité pour les jeunes artistes locaux. Nicolas Lossen, guitariste, producteur et organisateur de concerts martiniquais, évoque son Jazz à la Pointe, une saison de concerts financée par les pouvoirs publics et destinée essentiellement aux musicien.ne.s de l’île. Laurence Maquiaba raconte comment son festival Éritaj, Mémoires Vivantes permet aux musiciens de trouver un espace de création et de promotion de musiques qui peinent à sortir de la Guadeloupe. Autre outil utilisé sur l’île, le réseau du Collectif des Espaces de Diffusion Artistique et Culturelle (CEDAC), cocréé par Claude Kiavué, qui a permis de mettre en relation l’ensemble des salles du territoire guadeloupéen. Sur la petite vingtaine de salles du territoires, les spectacles et concerts des musicien.ne.s locaux.les peuvent maintenant être joués une dizaine voire une quinzaine de fois sur l’île – là où, auparavant, les artistes ne donnaient qu’une ou deux représentations. Pascal Saint-Pierre, responsable du café culturel le Bisik à Saint-Benoît, évoque le dispositif Tournée Générale (Tégé) du Pôle Régional des Musiques Actuelles (PRMA) qui permet de financer les cachets des musiciens se produisant dans les petits lieux réunionnais. Le festival Opus Pocus se rapproche le plus du festival de jazz selon Jean Cabaret, ancien directeur du Séchoir à La Réunion, bien que Les Francofolies de La Réunion ou La Nuit des Virtuoses accueillent aussi des artistes proches du jazz.
Difficile alors de faire un focus sur ce que l’on considère comme le « jazz » dans les institutions culturelles métropolitaines. Bien souvent, les traditions musicales présentes dans les Outre-Mer présentent des caractéristiques communes avec le jazz, rendant complexe un départage sommaire entre les genres. Nicolas Lossen rappelle les similitudes entre ce qu’on appelle le blues aux États-Unis et ce qui est nommé bèlè ou gwo ka en Martinique et en Guadeloupe ; la musique de la Nouvelle-Orléans s’appelle ici la biguine. « Nos musiques géographiquement américaines ont des histoires communes et des mécanismes d’interactions qui répondent aux mêmes logiques que celles à l’œuvre aux États-Unis. La différence de visibilité, c’est strictement une question de marketing ». Jean Cabaret évoque les liens qu’entretient le jazz avec le séga et le maloya, les musiques traditionnelles réunionnaises. Les frontières semblent poreuses entre les genres, comme au centre Sonis, où gwo ka et jazz sont étudiés dans le même cursus, nourrissant ainsi les syncrétismes et la richesse des cultures musicales ultramarines. Sur le continent américain, Céline Delaval ambitionne, avec le développement des lieux de création en Guyane, d’infuser des rencontres entre musiciens locaux et étrangers afin de créer de nouvelles esthétiques : « Nous avons une diversité et une richesse qui n’existent nulle part ailleurs. L’idée, c’est de l’offrir aux personnes et aux artistes, qu’ils soient estampillés jazz ou non ».