FANTôME est ce qu’il est, une mousseline insaisissable, quelque chose qui s’éteint et qui hante, une entité qui vibre à d’autres rythmes que ceux communément admis. FANTôME erre, traverse les murs, se pose sur l’épaule de l’auditeur et lui susurre un tremblement particulier, une répétition intime.
Fin 2017, Morgane Carnet (saxophone), Luca Ventimiglia (vibraphone préparé), Jean-Brice Godet (clarinette) et Alexandre du Closel (piano préparé) se réunissent à l’initiative de ce dernier dans un café de Ménilmontant pour improviser ensemble en s’inspirant de la musique répétitive américaine. FANTôME est né. Au fil de leurs rencontres, le projet devient clair : jouer une musique inscrite dans les pas de Terry Riley, Steve Reich ou Moondog, en y ajoutant des sonorités, des timbres et des formes issus des musiques improvisées et du free jazz. Cohabitent ainsi avec les boucles, décalages et répétitions-variations, diverses torsions, triturations et déchirements. Au service du propos, l’instrumentation originale fonctionne comme deux duos asymétriques (clarinette et piano d’un côté, vibraphone et saxophone de l’autre) à l’intérieur desquels les musiciens, à force de reprises, d’échos et de doublages, se font le spectre l’un de l’autre.
Tantôt froide et métallique, tantôt liquide et ambiant, l’atmosphère diffère sensiblement selon les morceaux. Refusant absolument de se fixer, la musique est en mouvement perpétuel. Au sein de cette matière en auto-engendrement continu émergent ça et là des motifs, des tâches impressionnistes, une parole organique. Mais les débuts de dialogue se font bientôt avaler par la totalité ; les voix finissent par se fondre et se confondre car, dans ce groupe, aucune ne l’emporte sur les autres, et, à l’inverse, toutes sont intimement interdépendantes. La beauté de ce jeu de surgissement/évanouissement vient de la nécessité intérieure qui s’y déploie. Les musiciens sont les passeurs d’un flux qui vient d’ailleurs et qui les dépasse. Pour l’auditeur, l’expérience est sensible, vibratoire et, une fois installé dans le paysage sonore, traversée par une dimension cinématographique. FANTôME est la bande-son d’une apparition invisible.
Photo : Martina Cirese
Texte : Raphaëlle Tchamitchian